C’était un mardi. Un soir. Je m’étais arrêté après le boulot dire bonsoir à mes parents. Non ça n’a rien d’exceptionnel. Je passe leur dire bonsoir 2 ou 3 fois par semaine. Leur maison est sur le chemin de la mienne et je ne veux pas attendre qu’ils soient partis pour regretter ne pas avoir passé suffisamment de temps avec eux.
Digressions.
C’était un mardi soir. Une de ces visites classiques. Il était tard par contre mais nous avions commencé à parler de nombreuses choses. De la vie. Des amours. De la famille. Des relations humaines. Des erreurs. De la rédemption. Des équilibres entre gentillesse et fermeté. De l’agneau. Du tigre… Ce n’est pas comme si nous n’en avions jamais parlé auparavant mais ce soir-là semblait tout concentrer.
Digressions. Encore.
C’était un mardi. Ma mère m’a dit
Qu’aussi vieux que je pensais être, j’étais son enfant. (Discours classique des parents, j’imagine). Et qu’elle savait ressentir quand j’allais mal. Sans avoir besoin de me voir ni de m’entendre, qu’elle le ressentait. Et peu importe la situation ou le drame, je pouvais partager avec elle… elle, étant certainement la personne qui m’aimait le plus au monde, qui me jugerait le moins dans ce monde.
Ma mère m’a dit ensuite
Qu’elle était fière du garçon qu’elle avait élevé. De l’homme qu’il devenait. Parfait parfois. Imparfait certainement. Et qu’elle l’aimait. Comme il était. (Ce n’est pas comme si elle avait le choix). Elle disait qu’entre mille choses, elle avait réussi à élever un garçon poli. Finalement beaucoup trop poli; qui n’élèverait jamais la voix sur les aînés, les parents des autres même s’il était sous des feux et mots désobligeants.
Alors cette politesse pourrait devenir défaut. La retenue, faiblesse. Le silence, autorisation. Ainsi à mon tour, il faudra transmettre à ses petits enfants à avoir un meilleur équilibre. À grandir avec l’idée qu’autant les enfants doivent du respect aux « grands », ces « grandes personnes » le leur doivent aussi.
Elle m’a dit encore,
Garde ta vie… privée. C’est ta vie. Personne n’a besoin de la connaître dans les moindres détails. Pas même moi. Aussi fort que tu m’aimes et me fais confiance. Aussi fort que tu veux me prouver que tu as raison sur un sujet ou un autre. De toutes façons, jamais celui qui raconte l’histoire ne s’incrimine. Pire, les mensonges sont aussi vite arrivés. Certains détails n’appartiennent qu’à toi. Ne les étale pas. Ne fais pas la victime. Mais ne sois pas non plus une victime. Ne laisse donc pas des faussetés se répandre. Un jour, il te faudra parler. Une seule fois suffira. Juste une. Pour établir ta vérité.
Aussi calme et réservé que tu puisses paraître, mon agneau. Ne laisse personne croire que tu es inoffensif. Montre de temps en temps le tigre que j’ai vu grandir. Et que j’ai apprivoisé.
Ma mère m’a dit
« Toute bonne action obtient un jour sa punition ». C’est pour cela que Jesus dit de tendre l’autre joue. (J’ai ri). Tu penseras faire bien. Tu feras des efforts. Surhumains. Tu accepteras l’inacceptable. (Elle ne croyait pas si bien dire). Tu passeras parfois au-dessus de choses impensables mais les gens oublieront. Et ça vaut aussi pour toi. Toi aussi, tu oublieras quelque fois. (J’ai failli renchérir…). C’est la vie. Crois-moi par expérience. Tu oublieras. Mais quand les autres oublieront, ces jours-là, toi n’oublies pas et ne recherche pas non plus justice par toi-même. Tends donc l’autre joue. Puis reste digne. En toutes choses, sois fort. Pour deux s’il le faut. Et non, tu n’as besoin de marcher sur le dos de personne pour te maintenir debout.
Elle m’a aussi dit
J’aimerais que les choses se passent d’une certaine manière. A ta place, j’aurais fait tel ou tel choix. Mais ne prends pas mes choix pour les tiens. Ce n’est que mon avis. Donc écoute tou-jours ton coeur. Fais tes propres choix comme tu l’as toujours fait. Comme on te l’a appris. Ils te réussissent ou finissent par te réussir. Je me rappelle encore comment ton père et moi espérions que tu choisisses de faire carrière dans la banque et comment tu ne te voyais nulle part ailleurs que dans la pub. Fais tes choix avant tout pour toi. Les autres ne le comprendront pas toujours. Mais avant tout, sois heureux.
Ma mère m’a dit enfin…
Qu’elle pensait n’avoir pas assuré sur une partie de mon éducation sentimentale, à cause de certains choix, qui se retournaient contre moi. Qu’elle aurait dû insister. Me parler plus tôt et plus souvent. (Ces mots m’ont affecté… les ivoiriens disent: ça m’a fait mal)
Parce que je trouve qu’en général je suis l’homme que je suis grâce à elle. Ma sensibilité a grandi sous son aile. Ma discipline, ma générosité, mon self-control, mon abnégation, mon sens des responsabilités… je lui ai alors répondu qu’elle a été une maman formidable, qu’elle l’est encore plus maintenant et que les fiascos… et les erreurs du fils ne sont pas les fautes de la mère. Un homme a besoin de se construire.
Par l’échec.
Surtout par l’échec.
Un homme a besoin de se construire
Par l’échec
surtout par l’échec.
Une vérité, le respect se mérite. J’ai dû me sentir frustré bon nombre de fois avant de le comprendre.
Bravo que tu arrives à avoir de telles discussion avec les tiens