Stéphane,
Quand maman te dira d’inscrire « Lycée Scientifique » en premier sur la fiche d’orientation en troisième, essaie de ne pas bouder. Ne lui reproche pas de vouloir t’éloigner d’elle. Cette phrase est une pure folie. Tu comprendras plus tard qu’il n’y a personne sur cette terre qui désire autant que tu sois près d’elle. Marque « Lycée Scientifique » pas parce que maman le veut mais parce que ce sera une des meilleures choses qui t’arrivera.
Il est bon d’être dans les pattes de ses parents mais jamais on ne grandit autant qu’en courant sur ses propres pattes. Les difficultés que tu vivras auront du mal à avoir une douleur éternelle mais te laisseront des leçons d’une vie entière. Elles te forgeront et parachèveront l’âme de combattant que tes parents ont voulu que tu façonnes.
Et il n’y aura pas que de mauvais moments. Et on aurait dû te dire que là bas, tu serais avec des personnes comme toi. Vraiment comme toi. Tu ne seras plus le petit garçon bizarre du CSP de Cocody qui préfère étudier plutôt que partir en matinée. Tu y trouveras des êtres très étranges qui aimeront encore plus hiberner pour étudier. Qui prendront plaisir à prendre de l’avance sur les cours et qui te montreront que tu n’es pas bizarre, qu’il y a toujours plus « bizarre » que toi.
Personne ne pouvait savoir mais on aurait pu te dire que tu y trouveras ton premier « vrai » meilleur ami. Celui avec qui 20 ans plus tard, vous continuerez de rire comme les gamins que vous étiez.
Et même si tu n’as plus jamais été le premier de classe que tu étais parce qu’ils étaient trop forts tes copains du lycée, j’aimerais te dire que je suis fier de toi. Quand tu as eu 12,95 de moyenne au premier trimestre en première, et que tu as été avant-dernier de ta classe (le pire résultat scolaire de ta carrière 😀 ), j’aimerais avec le recul te dire que je suis fier de toi. Je suis content que ce soit arrivé et fier de la manière dont tu as réagi. Ne jamais abandonner. Ne pas se blâmer outre mesure. Se battre. Continuer de se battre et toujours croire en soi.
Tout ceci te préparait à aujourd’hui. À cet âge, tu es une pâte à modeler. La manière dont tu réagis aux événements est plus importante que la gravité des événements. Rien n’est vraiment grave. La vie est devant toi. Elle n’est pas terminée et elle est pleine de ressources… tu n’imagines même pas.
Je te le dis parce que, oui, l’amour n’a pas d’âge mais tu as vécu chacun de tes chagrins (aujourd’hui appelés goumins) comme une vieille personne. Quand, elle, la première, que tu croiras être l’amour de toute ta vie partira pour un autre, je t’en prie… ne te meurs pas. Ne pense pas que c’est la fin du monde. Ne te meurs pas 11 longs mois de ta si petite vie. C’est trop. Et c’est même absurde mon pote, tu ne sais encore rien de l’amour. Crois moi. Je t’écris bien des années après et je n’ai pas encore totalement compris ce que c’est. Mystère total. Et tu te rendras bien compte qu’un « nouvel amour de ta vie » mettra fin à ces longs mois de tristesse auto-entretenue.
Pourrais-je te donner plus de conseils pour le cœur? J’aimerais beaucoup. Mais j’ai peur de t’envoyer encore plus de confusion. Tu en aimeras qui te feront tellement de mal mais dont tu n’y pourras pas grand chose. La misère. Tu seras aimé et tu ne pourras pas toujours rendre ce beau sentiment. Tu en blesseras parce que tu seras blessé. Inconsciemment. Car on ne donne aux autres que ce qu’on a. Impossible de faire plus. Alors mon gars, mon conseil est: prends soin de toi. Toujours. C’est la priorité. Prends soin de ton cœur pour qu’il puisse aimer sans conditions, que rien ne te freine et qu’en toutes circonstances, tu ne donnes rien que le meilleur de toi. Ah aussi! ne laisse pas les peines passées te ralentir, t’empêcher de donner comme il faut sinon tu passeras à côté de la vraie vie.
Mais, je voulais surtout te remercier d’avoir vécu selon de grands objectifs que tu te fixais. Je sais, cela semblait colossal quand tu faisais la démarche. Parfois, je me rappelle que c’était plus proche du rêve (irréalisable). Mais t’autoriser à rêver t’a rapproché de plusieurs réalisations. N’arrête jamais de rêver, de vouloir grand et de te définir une direction.
Mon cher Stéphane, je t’écris cette lettre pour parfaire ton parcours. Non, il n’est pas mauvais. Loin de là. Mais toi et moi partageons ce sens du détail et cet oppressant besoin de toujours bien faire. Je me dis aussi que si tu avais eu la chance d’avoir un mot du futur, il y a certains chemins que tu n’aurais pas pris, du temps que tu n’aurais pas perdu… et certains moments de désolation pendant lesquels tu te sentirais moins seul.
Rappelle-toi donc en toute chose :
– Donne, aime sans jamais retenir.
– Travaille, continue de donner le meilleur de toi.
– Pleure quand il faut. Accepte tes douleurs, prends soin de toi et va de l’avant.
– N’aie jamais peur de recommencer à zéro.
Mon cher Stéphane… si tu lis cette lettre, partage la aux autres de ton entourage. Peut-être que l’un d’eux a une histoire similaire. Peut-être qu’elle sauvera certains.
Ton autre toi, qui t’aime.
Merci du partage !
Belle lettre grand frère
Great !!! Je la garde celle-là, je la lirai à mon fils !!! 🙂 (y)